Avis - Pour en finir avec l'hypocrisie sur l'IA générative
Cela fait désormais plusieurs mois que j'assiste, sur les réseaux sociaux, au concours de "qui détestera le plus l'IA générative" avec des propos qui peuvent se résumer à ces phrases-type :
- Ouais, l'IA, c'est pas écolo
- L'IA, ça vole le travail des artistes, ça ne peut pas produire du vrai art
- L'IA, c'est une technologie qui va nous tuer dans tous les sens du terme, il tuera notre créativité
- etc...
Au sujet de l'IA et l'écologie, cela fait beaucoup débat (c'est énormément miné de fausses informations ainsi que de biais), mais cela ne sera le sujet de ce billet de blog. Ce sur quoi je souhaite me concentrer c'est sur la relation entre les productions par IA générative et le domaine artistique. Alors, je le dis tout de suite, ce qui va suivre est un point de vue, un avis qui sera très certainement rempli de biais (mais je vais essayer d'argumenter le plus possible ce point de vue), mais surtout un coup de gueule face à cette vague déferlante sur le web qui tente de culpabiliser (voire criminaliser) l'utilisation de l'IA. Et dans ce cas je pense, que IA générative et Art ne sont pas frontalement opposés, et qu'à un moment donné, il faudrait dire "stop" à cette tendance de décrire l'IA comme "une technologie maléfique développé par des entités diaboliques qui vole notre travail sous tous les angles et qui va tous nous détruire" (cela peut paraitre bien caricatural comme description, mais certains avis ne sont pas si loin de ces propos).
Une Intelligence Artificielle n'est pas vraiment intelligente
Revenons au basiques, une intelligence artificielle est un système fait pour simuler l'intelligence humaine, attention : ici le mot "simuler" a son importance, car dans ce cas ce type de système ne réfléchit pas (oui, les modèle de "pensée" sont donc des abus de langage) ne pense pas et n'a pas de conscience. En résumé, c'est un système qui à partir de données de départ va essayer de produire des données de fin attendues (soit de manière supervisée, soit de manière "libre"). Dans le cas de l'IA générative, c'est tout simplement un système qui à partir de données d'entraînement va produire du contenu (texte, image, son...) sur demande de l'utilisateur.
Et donc par cette définition, vous voyez ou je veux en venir.
L'art par IA reste de l'art
À l'instar de la photographie où de Photoshop. L'IA est un outil, il ne permet pas vraiment de de penser à votre place, si l'idée de base est sans effort, le résultat sera sans effort et médiocre. Typiquement, avec la génération d'images, il est très facile de générer du contenu assez médiocre (ce qu'on appelle aussi du "slop") par contre, générer un contenu qualitatif, là ça se complique, et c'est à ce moment là qu'il faut essayer de trouver ce qui satisfera notre idée de base (ici : trouve le bon prompt), tout en sachant que l'outil a des faiblesses (car évidemment, c'est un outil "pré-entrainé", donc avec des biais d'apprentissage). Il en va de même pour la génération de texte, produire un texte sans saveur c'est facile, en revanche, créer quelque chose d'intéressant nécessite plus de chose que de saisir comme prompt "rédige moi une dissertation sur [insérer un sujet]" (d'autant plus que là, on prend un rôle passif, ce qui n'est pas top).
Dès lors, effectivement le "slop" IA peut difficilement être qualifié d'art, mais cela équivaut à pondre une affiche médiocre sur Word/Publisher avec du Comic Sans MS et des couleurs pétantes de partout. Il en va de même avec Photoshop (si on réalise un montage de mauvaise qualité) ou la photo (si on prend une photo avec de mauvais réglages). Mais étant donné que c'est pas l'outil qui définit l'artiste (non, c'est vous et vos compétences qui font de vous un artiste, Photoshop, la photographie, la peinture même... ne vous transformera pas magiquement en artiste, il en va de même avec l'IA), un artiste spécialisé IA pourra réaliser de l'art via l'IA. Après tout, dans le cas de la génération d'images c'est comme si on avait Paint mais l'interface graphique est devenu une boîte à requêtes (raccourci un peu grossier, mais vous voyez où je veux en venir).
Le vol travail des artistes par l'IA ? C'est plus compliqué qu'il n'y paraît
Quand OpenAI a sorti son nouveau générateur d'images en mars 2025. Une tendance est rapidement apparu autour du style graphique des studios Ghibli (jusqu'à l'excès). Alors, de nombreux utilisateurs ont rapidement protesté contre cette tendance en argumentant notamment que c'est une violation des droits d'auteurs. Erreur : les droits d'auteurs protègent les œuvres déjà mises à disposition du public, mais pas un concept de réalisation. En clair, les droits d'auteurs empêche les plagiats, pas les inspirations (par exemple, faire une peinture dans le style de [insérer le nom d'un peintre ici] est possible, mais plagier une peinture déjà existante, non).
En ce qui concerne l'aspiration des données du web par les IA génératives pour leur entraînement (en effet, une IA est capable de reproduire un style uniquement car elle a déjà été entrainée à partir de textes correspondant à ce style), on est plutôt sur une zone grise, certains invoquent les droits d'auteurs pour considérer cette pratique comme illégale (ce qui est assez intéressant, c'est que parmi ceux qui se rangent dans cette position, certains ont piétiné ces même droites en téléchargeant des copies pirates d'œuvres audiovisuelles), tandis que les défenseurs de l'IA citent le "fair use" (une définition juridique américaine permettant l'utilisation d'œuvres à des fins de critique, recherche, etc. sans autorisation préalable de l'auteur), d'ailleurs des procès sont en cours (ne permettant pas pour le moment de faire jurisprudence sur le sujet). Même si techniquement (et de mon point de vue), le processus d'apprentissage des IA ne relève pas du "vol de travail" (il apprends des traits, des modèles, comme le ferait un apprenti en art ou un apprenti auteur), cela reste un sujet controversé. Pour un meilleur éclairage sur le sujet, je vous redirige vers la vidéo de "Vous avez le droit" sur le sujet :
La culpabilisation de l'utilisation de l'IA ou comment (inconsciemment ?) prôner la rétrogradation technologique (et par conséquent se positionner contre toute nouvelle technologies)
La tendance de culpabilisation de l'utilisation de l'IA (ainsi que sa criminalisation en tentant de faire son opposant dichotomique à l'"existant") possède un défaut majeur. C'est une argumentation à l'emporte-pièce applicable à chaque nouvelle technologie. Par exemple, pour la photographie, le poète Charles Baudelaire disait (dans sa Lettre à M. le Directeur de la Revue française sur le Salon de 1859) :
Comme l’industrie photographique était le refuge de tous les peintres manqués, trop mal doués ou trop paresseux pour achever leurs études, [...]. Qu’une si stupide conspiration, dans laquelle on trouve, comme dans toutes les autres, les méchants et les dupes, puisse réussir d’une manière absolue, je ne le crois pas, ou du moins je ne veux pas le croire ; mais je suis convaincu que les progrès mal appliqués de la photographie ont beaucoup contribué, comme d’ailleurs tous les progrès purement matériels, à l’appauvrissement du génie artistique français, déjà si rare.
Forcé de constater qu'il s'est lourdement trompé sur la vision de la photographie. Il en va surement de même avec l'Informatique (Quoi ? Comment ça ? On va déléguer nos capacités de réflexion à une machine ? Mais c'est un scandale, il va voler notre travail et notre créativité !), ainsi que l'imprimerie (Mais que va-t-on faire des copistes qui se retrouveront au chômage ?). Ce que je souhaite démontrer, c'est que cette tendance à détester et faire culpabiliser l'IA (ainsi que les affirmations qui vont avec) ne reposent sur rien d'innovant et ne propose que du réchauffé en direction des précédents progrès technologiques.
Le vrai problème de l'IA (non, c'est pas qu'il vole de manière "active" notre travail)
Le véritable problème de l'IA, ce qu'on finit par avoir un rôle passif et/ou paresseuse dans son utilisation, et donc qu'on apporte plus de plus-value et qu'on perd notre esprit critique. Mais contrairement à ce que beaucoup pensent, il s'agit d'un problème d'éducation à ces outils, pas un problème lié à l'outil en elle même (une batte de baseball n'induit pas nécessairement l'envie d'aller frapper quelqu'un, faut juste être correctement éduqué pour savoir que c'est pas bien), d'ailleurs il est facile de perdre son esprit critique sans IA : il suffit de croire à n'importe quelle info tiré d'internet ou des réseaux sociaux (ou de rencontrer un gourou d'une secte, ça marche aussi). Comme avec toute nouvelle technologie, il faut apprendre à maitriser l'outil en question avant d'être "utilisé" par l'outil (encore une fois, ils ne nous dispensent pas de notre capacité de réflexion).
Conclusion
En résumé, je pense que l'IA générative est une technologie moins "nocive" que ce que vaut faire croire ses détracteurs (et le sujet est plus nuancé que cette vision binaire). Il ne s'agit que d'une étape de plus parmi toutes les progrès technologiques qu'on a réalisé en tant qu'être humain, il n'est ni opposé à l'art et encore moins opposé à nous. La principale clé dans son bonne utilisation est notre éducation vis-à-vis de l'outil, il pêut être un formidable outil...comme notre pire ennemi pour nous et notre réflexion, mais ça, ça peut s'appliquer à toute les nouvelles technologies que nous avons conçues.
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